DOUGLAS DARE

Nul doute que l’Anglais a opéré sa mue et que si à ses débuts (Whelm – Erased Tapes – 2014), il se présentait comme une alternative à Nils Frahm ou Ólafur Arnalds, le chemin parcouru depuis est immense.

Enfant, Douglas Dare, et comme il le chante sur le bouleversant « Silly Games », jouait souvent seul lors des réunions de famille, loin d’un frère ou de cousins qui voyaient d’un œil lointain et réprobateur le petit dernier d’une famille élargie au comportement pas toujours conforme avec les modèles établis par la grande majorité des autres. Exclu, parce qu’il était le plus petit ? Exclu surtout, parce qu’il portait parfois la robe rose de sa mère, lorsque l’envie lui prenait et qu’il fallait tenter de se rapprocher au maximum de ce qu’il était au plus profond de lui…

Plus tard, et lorsqu’il sera suffisamment âgé pour mettre des mots et des idées sur des sensations qui étaient pourtant en lui depuis longtemps déjà, c’est son propre père qui le rejettera cette fois, en apprenant de manière officielle (c’est qu’il est encore question, pour ceux qui aiment les humains qui possèdent le même sexes qu’eux, d’officialiser les choses à un moment ou à un autre) que son fils est homosexuel. « Oh Father it’s not too late », chante-t-il à la fin du morceau « Oh Father », qui figure sur l’album Aforger (Erased Tapes, 2016).

Autrefois, le Londonien Douglas Dare composait les chansons, qui devaient aboutir à deux albums thérapeutiques et séduisants (Whelm en 2014 et Aforger en 2016) en posant les bases au piano, sur lesquelles intervenaient ensuite le chant. Ces dernières années, le compositeur a découvert l’autoharpe, instrument qu’on a plutôt tendance à voir dans le grand nord américain que dans l’étroitesse des rues du centre de Londres et avec lequel il a concocté les titres qui figurent sur ce troisième album aux senteurs post-adolescentes.

Celui-ci revient, et puisque c’est définitivement là-dessus que l’art tout entier de Douglas semble se concentrer, sur une enfance complexe liée à une identité trouble, et que cet Anglais ultra sensible et ultra singulier explore via une musique pop qui rappelle, parfois, celle d’Antony and the Johnsons (qu’il faut désormais appeler Anohni) et qui paraît, toujours, sur le label d’autres grands sensibles de l’île britannique (Nils FrahmPenguin Cafe, Ólafur Arnalds, Peter Broderick, Rival Consoles…) Une ode à la liberté pure, absolue, et à la volonté d’apparaître, avant tout, comme on le ressent au plus profond de l’être.